dimanche 20 juin 2010

des précieuses ridicules




Au début de son « journal volubile », Enrique Vila-Matas note qu’il est assis dans un café de la place St-Sulpice, celui-là même où Georges Perec a écrit « Tentative d’épuisement d’un lieu parisien » ; il se dit alors que « Ce qui se passe quand il ne se passe rien » serait un excellent titre.

Un titre qui conviendrait bien à ce que la presse hexagonale est en train de faire des propos qu’Anelka aurait tenus. Sarkozy a d’ailleurs jugé bon de s’exprimer à ce sujet depuis la Russie, faisant une affaire d’état de ces chamailleries entre précieuses ridicules.

En France où, comme un peu partout, les acquis sociaux de la deuxième moitié du XXème siècle sont bientôt une vue de l’esprit, on hésite, devant l’importance accordée à ces absurdités, entre rires et larmes.

Au Cameroun, hier soir, ce sont assurément les secondes nommées qui ont pris le dessus ; la bande à Eto’o débordait d’envie, mais aussi de Danois les rares fois où ces derniers s’aventuraient à l’abordage. Emana et ses potes ont tout tenté, il leur a parfois manqué un brin de lucidité ; les voici donc premiers éliminés.

« Tentative d’épuisement d’un non-lieu africain » et « Ce qui agace quand rien ne passe », une bonne synthèse du goût que laissent dans la bouche pas mal de rencontres de cette Coupe du Monde.

Maradona divise, de par son passé, de par ses paroles ; mais regardez-le quand le ballon arrive vers lui : une petite louche pour celui qui va faire la touche, que ce soit un des siens ou pas ; même une somptueuse aile de pigeon, quand l’Argentine surclassait la Corée du Sud. Il entraîne mais il brûle de jouer, de bousculer les défenseurs adverses avec cette manière si singulière qu’il avait de flotter avec le ballon.

Guus Hiddink, dans « France Football », affirme que si on aime tant voir Messi, c’est parce qu’il joue comme un gamin.

Pour l’instant, on a dans l’ensemble un Mondial d’adultes bien sérieux et bien disciplinés.

Avec huit expulsions, pour indiquer qui sont les maîtres du jeu.

Détendez-vous les gars, vous êtes filmés.

jeudi 17 juin 2010

du réalisme magique




« Elle était si belle que, quand elle était en nuisette, on pouvait dire qu’on ne voyait que ses oreilles. »

A Bruxelles quelques jours, cette phrase s’est à un moment donné présentée alors que nous délirions avec Béatrice et Léïla. Je l’ai notée, me disant que cela ferait un excellent début de nouvelle burlesque.

J’y ai repensé hier, quand l’équipe de Suisse a enfin pu respirer, après presque cent minutes d’apnée.

« Ses joueurs étaient si généreux dans l’effort que, quand ils dégageaient le ballon en touche en oubliant que le foot consiste aussi à faire des passes, on trouvait ça magnifique. »

Il y a quelque chose de fabuleux dans cette mesure de transformer une certaine laideur en beauté. Ceci de manière absolument subjective ; je ne crois pas que le procédé ait marché pour ceux qui soutenaient l’Espagne ; probablement se sont-ils plutôt endommagé la tête en tapant celle-ci, qui n’avait pourtant rien demandé, contre les murs les plus proches.

Du fabuleux et de l’absurde, c’est aussi un peu de cela qui me plaît tant dans ce sport qui me fait vibrer depuis que je sais attacher mes lacets.

Un peu plus tôt dans l’après-midi, après avoir laissé filer un reste de tarte dans mon gosier, j’avais lu un entretien que Xavi, le maître à jouer du Barça et de l’équipe d’Espagne, a accordé à France Football. Il y déplorait notamment que le foot moderne manque de romantisme.

Ceci m’est revenu quand je voyais la Nati saluer le public ; je crois que le Catalan n’est pas allé parler poésie du ballon avec Hitzfeld, après le match. Il y a fort à parier que les livres de chevet de l’entraîneur national des Helvètes sont plus à chercher du côté de Clausewitz et de « la nature du génie militaire » que de Garcia Lorca.

Soit.

Pour le moment, pas eu énormément l’occasion de s’enthousiasmer pendant ce premier tour ; les stridentes vuvuzelas (dont j’avais personnellement pu mesurer le caractère nuisible pour les tympans lors d’une virée à Bâle avec des amis imbibés d’impressionnante manière) ont plus fait parler d’elles que les gestes de génie.

On s’observe et se tâte bien plus qu’on ne joue, depuis une semaine.

Le réalisme est un terme que je n’aime pas trop, il a dessiné des pages peu amènes dans le cortège de l’Histoire.

En Amérique du Sud, grâce notamment à Gabriel Garcia Marquez, un autre terme est apparu, celui de réalisme magique.


Le Chili en a été une illustration, hier ; gageons que l’Argentine, sur la lancée de sa première demi-heure contre le Nigeria, va aussi s’en habiller pour s’imposer face aux excellents Sud-Coréens.