mardi 13 juillet 2010

de l'importance de l'intuition





L’entraîneur néerlandais avait dit qu’il n’était pas possible de gagner contre l’Espagne en jouant comme eux, on ne peut pas s’improviser meilleure équipe du monde; alors il avait décidé d’opter pour la puissance et l’intimidation.

Le milieu de terrain espagnol en a fait les frais à tour de rôle; Xavi, Xabi Alonso et Iniesta ont goûté du crampons; ils se sont relevés, ont remis l’ouvrage sur le métier. Se débarrasser du ballon, ils ne savent pas ce que cela veut dire, ils lui donnent de l’éclat.

Le foot, c’est de l’intuition, pas de la force, c’est ce qu’il se dit; alors Iniesta se rit de son gabarit, de ce qu’on en dit.

Peut-être avait-il encore en tête son but contre Chelsea, venu de nulle part, qui avait permis au Barça de jouer la finale de la ligue des Champions, l’année dernière. Il avait déjà enlevé son maillot pour le fêter.

Dimanche, il y avait quelque chose d’inscrit en dessous : “Dani Jarque siempre con nosotros”; un hommage au capitaine de l’autre club de Barcelone, l’Espagnol, décédé d’une crise cardiaque le 8 août 2009.

Un geste comme un condensé de l’esprit qui habite cette magnifique équipe d’Espagne, contre laquelle une seule autre nation a accepté de jouer, pendant un mois, le Chili, sorti de cette compétition trop tôt; les autres, effrayés par tant de maîtrise, ont tous décidé de spéculer sur d’hypothétiques contre-attaque; c’est donc aussi justice de voir la Roja soulever ce trophée.

Par moments, pendant cette âpre finale, on a pu douter de voir les filets trembler “du bon côté”; on a vu Xavi à plusieurs reprises porter le ballon plus qu’à son habitude, conscient qu’il fallait parfois donner un peu de verticalité au jeu pour contrecarrer le quadrillage orange.

Je suis content de me dire qu’ils pourront disserter sur l’intuition, le plaisir de jouer et le romantisme, avec ses compatriotes, la Coupe sous le bras.

Van Bommel qui soulève le trophée, quatre ans après l’Italie, soit la récompense du paroxysme de l’anti-jeu et de la méchanceté (il y en a chez qui cela revient à être roublard, lui, c’est être vicieux comme leitmotiv), je crois que j’en aurais fait des cauchemards pendant des mois.

jeudi 1 juillet 2010

réduire les espaces, puis les inventer





« Si on doit mourir, on le fera en restant fidèles nos idées. »

Cette affirmation me rappelle un T-shirt que je portais quand j’étudiais au Cessnov, il y était inscrit que « gagner n’est pas une affaire de vie ou de mort, c’est plus important ». Notre prof d’histoire, le mythique Besson, m’avait dit que cela n’avait pas de sens, ce qui avait bien fait marrer Paul.

« Si on doit mourir, on le fera en restant fidèles à nos idées. »

C’est en substance ce qu’avaient dit Marcello Bielsa et Vicente Del Bosque, respectivement coach du Chili et de l’Espagne, les deux équipes qui auront présenté le jeu le plus chatoyant du Mondial.

L’Argentine et le Mexique? aussi, mais par intermittences. Le Japon ? après un non-match de 120 minutes, il est difficile de les mettre dans cette catégorie.

Les Chiliens sont rentrés à la maison, leur déchet devant le but (Cruyff a dit qu’ils avaient eu, pendant leurs matchs de poule, plus d’actions dangereuses que l’ensemble des autres équipes de la compétition) ayant été puni séance tenante par des Brésiliens performants et peu enthousiasmants, mais ils laisseront une grosse impression à ceux qui les ont vu évoluer ; de la percussion, de l’envie, de la confiance (je frémis encore de plaisir en repensant à un moment particulier : alors que les hommes de Dunga gagnent déjà 1 à 0, le latéral gauche du Chili, pressé par un joueur, dans l’impossibilité de faire une passe en retrait parce qu’un adversaire est à l’affût, lève la tête et ajuste, dans une posture complètement improbable, une transversale millimétrée pour son camarade évoluant sur le flanc droite de la défense ; le refus de se débarrasser du ballon, la joie de le faire vivre, de le transmettre, était là à son apogée ; les amoureux du cuir ont apprécié.).

L’Espagne, quant à elle, continue sa route, confirmant que l’accroc helvétique n’était rien d’autre qu’un incident sur le parcours de cette formation dont la capacité à conserver la maîtrise de la sphère tant convoitée est magistrale ; pratiquement pas de pertes de balles, un pressing toujours judicieux, des joueurs qui se couvrent mutuellement, qui sont en mouvement perpétuel, qui n’effectuent pas plus de 2 ou 3 touches, ou alors juste leurs feux follets (Iniesta, Villa, Navas,…), pour créer une brèche.

« Mourir pour des idées » chantait Brassens ; « moi j’ai failli mourir, de ne l’avoir pas eue » enchaînait-il ; cela s’applique à merveille à la France et l’Italie, renvoyées à la maison pour leur manque d’initiative ; à force de se laisser traîner par une inertie chancelante, on se retrouve couvert de poussière ; des gosses Slovaques et Uruguayens ont soufflé pour voir si ça brillait encore ; tout s’est envolé.

Les quarts débutent aujourd’hui, avec des affiches qui promettent déjà une fin de compétition plus palpitantes qu’il y a quatre ans ; la finale était alors venue résumer le mois qui s’était écoulé : sans saveurs ni couleurs.

Pour l’heure, le bilan footballistique des joutes sud-africaines est mitigé, pas mal de déception, beaucoup d’imprécisions techniques (ces nouveaux ballons n’ont définitivement pas que des avantages), des énormes erreurs d’arbitrage, mais il est coloré, bruyant, et par moments savoureux.

J’ai l’impression qu’il pourrait bien prendre de plus en plus un goût d’Orange ; il y a deux ans, lors de l’Euro, l’Espagne allait enfin au bout, après avoir eu à de nombreuses reprises des contingents qui semblaient lui permettre de rêver ; il y a deux ans, un certain football total (tout le monde défend, tout le monde attaque) avait donc été récompensé ; on saura dans quelques heures si, ne pouvant cette fois par s’habiller de facilité et de suffisance, la Hollande, berceau du football total, a vraiment la génération pour enlever le sacre suprême.